SURNOMS et SOBRIQUETS
( Livre des tailles de 1313 )
A l’époque du moyen âge, et pendant les premiers siècles qui le suivirent, l’usage des surnoms et des sobriquets était généralement répandu. Ces surnoms tirés de qualités ou de défauts physiques, de profession, d’emplois, ou de pays, tenaient lieu de ces noms propres invariables que nos registres de l’état civil perpétuent d’une façon inaltérable. – Nos rois mêmes ne les évitaient pas; on disait de leur vivant Louis le débonnaire, Charles le chauve, Louis le bègue, Louis le gros, Philippe le hardi, Louis le hutin, Philippe le long, Louis le bel, etc. – C’est de cette époque que datent les noms patronymiques, de le roi, le marchand, le chevalier, le prêtre, le borgne, le grand, le blond, le blanc, le boucher, le chanteur, le clerc, le cordier, le couvreur, le febvre (faber fabricant), l’écrivain, le moine, l’épicier, le breton, le normand, etc.- Les habitants de Paris avaient un surnom général.
BADAUD, surnom dont l’origine était peu honorable, s’il faut en croire M. Dulaure : » L’ignorance, dit-il, portait les Parisiens à tout croire et les disposait aussi à tout admirer ; cette admiration constante pour les choses qui étaient peu dignes leur a valu le surnom de badauds. » Rabelais, avec la brusque franchise de son temps, dit : » Le peuple de Paris est tant sot, tant badaut et tant inepte de nature, qu’un basteleur, un porteur de rogatons, un mulet avec ses cymbales, un vielleur au milieu d’un carrefour, assemblera plus de gens que ne ferait un bon prédicateur évangélique. »
J’aime mieux admettre, avec un auteur moderne, moins ennemi de cette ville, dans laquelle je suis né (à l’Hôtel-de-ville, dans la chambre où Lebas s’est brûlé la cervelle et où Robespierre a été arrêté), que ce surnom honorable n’est venu aux Parisiens qu’après les guerres d’Italie sous Charles VIII et d’un mot italien, badare, faire attention : on a observé, en effet, que cette faculté précieuse est développée à un haut degré chez tous les habitants de Paris.
AUTRES SURNOMS : On trouve dans le Livre des tailles de 1313 ; dont il a été question ci-dessus, un grand nombre de surnoms et de sobriquets en usage dans le XIVe siècle. Nous en citerons quelques-uns, parce qu’ils font connaître l’esprit du temps.
Amie.- Margot, amie de feu Girart de Saint-Cuir, rue Gervaize Lorenz. Amie signifie-t-il maîtresse, ou est-ce le synonyme de veuve ?
Bidaude, bidaut. – Hugue le bidaut, rue du Temple. Perronnelle la bidaude, rue Saint-Honoré. Bidaut, variante de bedel, bedeau. Bidaude, femme de bedeau.
Bigame. – Geffroy de Vercy, bigame. Sobriquet curieux.
Jocete. – Dame Jehanne, la jocete (la joyeuse).
Ladre. – Jaques le ladre, rue Saint-Honoré. La ladrerie, lèpre fort commune aux XI, XII et XIIIe siècles, était un des fruits des croisades.
Louvete. – Mabile la louvete, tavernière. Louvete, diminutif de louve, lupa, femme de mauvaise vie.
Pucelle. – Alison. de Mori, pucelle et sa suer, rue des Escouffes. – Pucelle, femme non mariée ? femme de chambre ?
Serourge. – Raoul, le fanier, Rogier, son serourge (beau-frère.)
Suer, sœur. – Ameline de Roen, suer au confesseur le roy, Viez rue du Temple (paroisse Saint-Gervais). Sa parenté ne lui fut pas inutile en cette occasion, on lit en note:. » Nichil, (pour nihil), non marchande. »
France Pittoresque – Paris Ancien – Tome III, page 104. Abel Hugo –1835