DÉCRETS DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE – CAMUS – DESCRIPTION DE L’HÔTEL SOUBISE – DEUX SECTIONS D’ARCHIVES.
Avant la révolution, tout couvent avait sa chronique, toute grande famille possédait des chartes pour constater les titres et conserver la mémoire des hauts faits de ses ancêtres. Ces chartes, léguées par les générations qui s’éteignaient à des générations naissantes, formaient autant d’histoires qu’il y avait de châteaux, de familles nobles et puissantes, ou de couvens dans le pays ; histoires purement individuelles, particulières, ne se rattachant à celle de la nation que par le récit du rôle qu’avaient joué, dans tel ou tel événement isolé, les individus auxquels chacune d’elles était exclusivement consacrée. La révolution conçut l’idée de rassembler tous ces témoignages du passé religieusement conservés dans les monastères et dans les châteaux, et d’en former un immense faisceau de documens propres à faciliter les recherches des écrivains qui entreprendraient l’histoire de la France.
Cette pensée fut la base des décrets des 4 et 7 septembre 1790, où l’Assemblée constituante ordonna la réunion des chartes, actes , titres, relatifs soit à l’administration du royaume, soit à l’histoire des provinces, des familles, ou des couvens. Le dépôt de toutes ces pièces eut lieu dans l’ex-couvent des Capucins, situé rue Saint-Honoré, et qui prit alors le nom d’hôtel des Archives du royaume. L’assemblée se sépara avant d’avoir déterminé les formes de la nouvelle institution. La Convention ordonna la translation des archives aux Tuileries, y préposa une administration spéciale, à la tête de laquelle elle plaça un de ses membres, Camus, qui depuis, chargé par elle de se rendre en qualité de commissaire pour examiner le conduite de Dumouriez, fut livré par ce général aux Autrichiens, et retenu captif en Bohême.
Rentré en France après quelques années, Camus fut appelé de nouveau à la direction des archives. Bonaparte, alors premier consul, ordonna leur transport au palais Bourbon. Mais Camus résista, par la raison qu’une loi les ayant placées aux Tuileries, une loi seule pouvait les en retirer. Bonaparte céda et les archives restèrent aux Tuileries, jusqu’à ce qu’un décret, daté du 10 mars 1810, les eût définitivement transférées à l’hôtel Soubise, où elles sont actuellement.
Cet hôtel, situé rue du Chaume, au Marais, occupe l’espace compris entre les rues de Paradis et du Grand-Chantier. Il est remarquable, à l’extérieur, par une tourelle ronde terminée en pointe, et indiquant qua déjà plusieurs siècles se sont écoulés depuis le jour de la fondation. Il fut bâti en 1556, par le cardinal Charles, et le duc de Guise, sur le terrain des hôtels de Clisson, de Laval, et de plusieurs autres maisons. Henri 1er, duc de Guise, ne négligea rien pour faire de cette résidence une des plus belles de Paris, et appela à son aide, pour la décorer, les artistes les plus célèbres du XVIe siècle, Nicolo, Primatice, maître Roux. Les peintures de la chapelle étaient de Nicolo. Le prince de Soubise à qui cet hôtel appartint depuis, et qui lui donna son nom, consacra des sommes immenses à son embellissement. Il fit construire la cour et le grand portique qui subsistent encore. Ce portique, de dessin demi-circulaire, forme l’entrée principale sur la rue de Paradis Il est orné de colonnes corinthiennes, qui, avec leur corniche surmontée de trophées, forme un ensemble d’un assez bel effet La cour, entourée à droite et à gauche d’une colonnade d’ordre dorique, qui s’étend sur toute sa largeur, donne une idée de la magnificence des seigneurs propriétaires de l’hôtel. Les appartemens, par leur éclat, répondaient à la beauté du dehors. Mais il ne reste plus de cette splendeur que deux ou trois salons décorés dans le goût du siècle de Louis XV, c’est-à-dire surchargés de guirlandes et de festons dorés, ou bien de peintures dans le s styles de Watteau et de Boucher. L’état de vétusté de ces ornemens, et surtout leur délabrement, indiquent assez que depuis long-temps elles ont été abandonnées par leurs premiers propriétaires. Quant aux autres salles, sauf une suite de portraits représentant tous les hommes illustres, peintres, poètes, sculpteurs, etc., etc. du XVIe siècle, elles n’ont rien de curieux. Leur caractère primitif a disparu sous les travées de menuiserie les cases et les tablettes destines à recevoir les archives. Là sont rangés, avec ordre, dates par dates, époques par époques, tous les papiers composant la collection.
Les archives se divisent en deux sections : archives du royaume, archives domaniales.
La première section comprend l’ancien trésor des Chartes (ce sont vingt volumes in-folio, manuscrits, qui contiennent les actes des différens règnes, depuis et y compris Philippe-Auguste) et tous les actes administratifs qui, n’étant plus d’aucun usage, rentrent dans le domaine de l’histoire, et prennent désormais le nom d’archives.
Plusieurs de ces pièces sont remarquables par leur ancienneté : nous avons vu une charte remontant à l’an 620. C’est une donation faite, par le roi Clotaire, en faveur de l’abbaye de Saint-Denis. Elle est écrite sur papyrus mes caractères en sont fort bien dessinés, mais fort difficiles à reconnaître maintenant. Plusieurs savans attachés à l’administration sont exclusivement chargés de déchiffrer ces sortes d’hiéroglyphes.
La seconde division se compose des archives domaniales, ou plans topographiques de toutes les provinces françaises, selon leur circonscription avant 1789. A ces plans sont réunis ceux des domaines particuliers, abbayes, seigneuries, etc., tels qu’ils se trouvaient lorsque la révolution les déclara propriétés nationales.
Lors des conquêtes de l’empire, la collection des archives s’accrut de toutes celles des nations vaincues par nous.. Mais au retour des Bourbons, nous fûmes obligés de restituer ce que nous avait donné la victoire.
Cette immense quantité de papiers occupe la totalité de l’hôtel depuis l’escalier jusqu’aux combles. C’est dans ces vastes salles que dort l’histoire de France, en attendant ceux qui, unissant la patience au génie, oseront soulever la poussière qui recouvre ces vestiges des siècles passés, les interroger, établir un lien entre les faits, et préparer ainsi tous les élémens d’une histoire nationale complète.
Extrait du « Magasin pittoresque » – 1834
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