Sous le titre : “ Alfort l’Ecole Vétérinaire ”, Emile de la Bédollière nous promène dans le village d’Alfort et dans l’Ecole Vétérinaire au 19è siècle.
Emile de la Bédollière. Histoire des environs du nouveau Paris. (Paris 1861)
Illustration de Gustave Doré.
En face de Charenton, de l’autre côté de la Marne, est le village d’Alfort. Le vieux pont qui les unit tombait en ruines, quand au commencement de l’année 1861, on s’est décédé à le reconstruire. En même temps, on canalisera le petit bras de la Marne, afin que cette rivière soit navigable en tout temps.
Alfort ne forme qu’une seule commune avec Maisons, situé à deux kilomètre de distance. La métropole de cette agglomération, qui comprend 3,254 habitants, et qui n’en avait que 1,892 en 1850, tire son nom du latin Mansiones. Son église est surmontée d’un clocher bâti par les Anglais et qui mérite l’attention des archéologues.
C’est sur ce territoire de la commune de Maisons-Alfort qu’est située l’imposante forteresse qui devait être primitivement établie sur la rive droite de la Marne, et qui a conservé le nom de fort de Charenton.
Alfort était naguère le rendez-vous des canotiers. Sur le quai, Bauny et Chollet leur offraient des matelotes les plus succulentes, et dans l’île du Moulin était un cabaret très achalandé. Les navigateurs ayant pris une autre direction, la joyeuse maison de Bauny est devenue une manufacture de papiers peints; la maison de Chollet a disparu, et le propriétaire de l’île, assez riche pour faire autour de lui la solitude, a donné congé aux restaurateurs qui hébergeaient les turbulentes flottilles. Le voyageur s’éloigne avec crainte de cette verdoyante oasis qu’il abordait naguère avec tant d’empressement, et où il y a, dit-on, des pièges à loup.
Le moulin d’Alfort, appartenait à M. Rieffel, est un des mieux aménagé qui soient en France, et on a y a réalisé tous les progrès connus de la meunerie.
Si l’on jette les yeux sur notre plan, on remarquera, à l’extrémité orientale d’Alfort, une rue bordée d’un côté par un champ cultivé. Sur les bords de la Marne, contiguë à ce champ est une villa sans pareil, non seulement dans les environs d’Alfort, mais encore dans tout le département. Entre deux corps de logis, l’ingénieux propriétaire a jeté une cage de verre où croissent, arrosés par une cascade, les plantes les plus rares des régions intertropicales ; des perruches, des veuves, des diamants, des oiseaux de paradis gazouillent à l’ombre des bananiers, des dracænas, des araucarias, des cocotiers. Aux deux bouts de ce jardin d’hiver s’ouvrent sans cloison, à l’est une salle à manger, à l’ouest une salle de billard, toutes deux décorées avec luxe. Nous ne connaissons point d’habitation distribuée plus heureusement et d’un manière plus poétique. Le propriétaire, gallinoculteur maintes fois médaillé, a obtenu des variétés superbes et productives, par d’habiles croisements des races de crèvecœur, bramapoutra, cochinchinoise, houdan, padoue et flêchoise.
La suppression de la poste a ôté beaucoup de mouvement à Alfort, quoique ce soit encore une station pour les rouliers. Le chemin de fer de Paris à Lyon, inauguré le 9 septembre 1849, en facilitant les communications de Charenton, d’Alfort et de Maisons, a eu l’avantage de permettre à un grand nombre de Parisiens de se fixer dans ces parages, et nous en avons donné une preuve irrécusable en indiquant le chiffre de la population.
Aussi la commune de Maisons-Alfort est-elle en progrès ; les berges de la rive gauche de la Marne ont été consolidées par les soins du maire, M. Véron. Le vieux pont va être reconstruit en 1861, et il rivalisera en beauté avec celui du chemin de fer, qui n’a pas moins de 154 mètres de long. Le petit bras de la Marne, sur lequel était un moulin et qu’abritaient des arbres touffus, va être canalisé.
Mais ce qui assure principalement la notoriété d’Alfort, c’est son école vétérinaire, unique dans le monde entier.