Archives quotidiennes : 12 septembre 2009

Procès, condamnations, excommunications contre des animaux

   … Il fut un temps en France où des tribunaux prononçaient des condamnations contre des animaux prévenus de certains délits, et où l’autorité ecclésiastique lançait les foudres de l’excommunication contre des insectes nuisibles. Cet usage de la justice divine et humaine a paru si monstrueux aux générations nouvelles, qu’elles n’ont point voulu d’abord y ajouter foi ; mais des documents authentiques ne permettent plus de conserver aucun doute. Ainsi, plusieurs manuscrits conservés à la Bibliothèque royale ou possédés par des savans, contiennent les dispositifs de ces jugemens, et jusqu’aux mémoires de frais et dépenses faits pour l’exécution des sentences prononcées. Pendant une assez longue période du moyen âge, la pensée de soumettre à l’action de la justice tous les faits condamnables, de quelque être qu’ils provinssent, loin d’être ridicule, a été généralement répandue.

   Chassanée, célèbre jurisconsulte du XVI° siècle, a composé plusieurs conseils ; et dans le premier, après avoir examiné les moyens de citer en justice certains animaux, il recherche qui peut légalement les défendre, et devant quel juge ils doivent être amenés.

   L’extrait suivant donne, avec l’indication des écrivains qui sont nos autorités, l’époque des procès et jugemens prononcés dans les affaires les plus singulières, le nom des animaux, le motif qui les a fait traduire en justice, ainsi que la date de plusieurs anathèmes ecclésiastiques.

   1120._ Mulots et chenilles excommuniés par l’évêque de Laon. (Sainte-Foix.)

   1386._ Truie mutilée à la jambe, à la tête et pendue, pour avoir déchiré et tué un enfant, suivant sentence du juge de Falaise. (Statistique de Falaise.)

   1394._ Porc pendu, pour avoir meurtri et tué un enfant, en la paroisse de Roumaigne, vicomté de Mortaing. (Sentence manuscrite.)

   1474._ Coq condamné à être brûlé, par sentence du magistrat de Bâle, pour avoir fait un œuf. (Promenade à Bâle.)

   1488._ Becmares (sorte de charançons) : les grands-vicaires d’Autun mandent aux curés des paroisses environnantes de leur enjoindre, pendant les offices et les processions, de cesser leurs ravages et de les excommunier. (Chassanée.)

   1499._ Taureau condamné à la potence, par jugement du bailliage de l’abbaye de Beaupré (Beauvais, pour avoir, en fureur, occis un jeune garçon. (DD. Durand et Mazrtenne.)

   Commencement du XVI° siècle._ Sentence de l’Official contre les becmares et les sauterelles qui désolaient le territoire de Millière (Cotentin). (Théoph. Raynaud.)

   1554._ Sangsues excommuniées par l’évêque de Lauzanne, parce qu’elles détruisaient les poissons. (Aldrovande.)

   1585._ Le grand-vicaire de Valence fait citer les chenilles devant lui, leur donne un procureur pour se défendre, et finalement les condamne à quitter le diocèse. (Chorier.)

   1690._ En Auvergne, le juge d’un canton nomme aux chenilles un curateur ; la cause est contradictoirement plaidée. Il leur est enjoint de se retirer dans un petit terrain (indiqué par l’arrêt) pour y finir leur misérable vie. (Description de la France.)

   Un relevé de ces jugemens, présenté à la Société royale des Antiquaires par M. Berriat Saint-Prix, en élève le nombre à près de quatre-vingt-dix, dont trente-sept appartiennent au XVII° siècle, et un seul a été rendu dans le siècle suivant, en 1741, contre une vache.

Extrait de la revue « Le Magasin Pittoresque » de 1833

Sylvie R.

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