2004, année anniversaire ! Etaient fétès les 70 ans de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail et les 30 ans du Comité Sarthe FSGT. Auguste Delaune, est un des fondateurs de la FSGT. Ce résistant fut assassiné au Mans, sous le pont Coeffort. L’année dernière, nous avons commémoré son 60ème anniversaire
Discours de Gérard Paquier, président du Comité Sarthe FSGT
Bonjour à tous,
Pour ce 60ème anniversaire de la mort d’Auguste DELAUNE et Jean FRESNEL, certains d’entre vous peuvent être surpris que ce soit une personne plus jeune qui prenne ici la parole. C’est néanmoins important car 60 ans après, il ne faut surtout pas oublier toutes les atrocités qui se sont déroulées entre 1939 et 1945. Même si nous, nous n’avons pas connu cette période, nous connaissons suffisamment de témoignages et d’épisodes dramatiques qui se sont tramés un peu partout en France et en EUROPE pendant cette période.
Notre devoir est de le transmettre aux générations futures car il ne faut jamais oublier les souffrances endurées par toutes celles et tout ceux qui ont lutté contre les idéologies fascistes et racistes. Si pour certains, les camps de concentrations ne sont qu’un détail de l’histoire, n’oublions pas que la « bête immonde » n’est pas morte. N’oublions pas non plus que notre président de la REPUBLIQUE actuel Jacques CHIRAC a disputé le 2ème tour des élections présidentielles contre un certains LE PEN et ça ne s’est pas passé en 1943 mais bien à l’aube de ce 3ème millénaire.
Pourquoi la FSGT, la Fédération Sportive et Gymnique du Travail, s’exprime-t-elle aujourd’hui devant vous ? Tout simplement parce qu’Auguste DELAUNE a été l’un des principaux acteurs de la création de notre fédération sportive en décembre 1934 et qu’il en a été le 1er secrétaire général en 1935. Le hasard a fait que c’est ici sous ce pont Coëffort que le 13 juillet 1943, Auguste DELAUNE accompagné par Jean FRESNEL dit « GASTON » a été victime d’un guet-apens bien organisé. Il faut dire qu’à cette époque, Auguste DELAUNE était une des figures de la RESISTANCE dans l’OUEST de la France et qu’il représentait un danger pour tous ceux qui voulaient donner notre pays à l’occupant hitlérien.
Nous profitons de cette cérémonie pour rappeler que l’activité de la FSGT d’aujourd’hui a une histoire, a un sens, a un idéal. Un idéal auquel Delaune et ses camarades, avant la guerre et dans la résistance ont consacré leur vie :
– le progrès pour les travailleurs et les plus larges couches de la population, en excluant personne.
– – le progrès dans le sport pour tous et le sport ouvrier.
– – la liberté.
– – la paix dans le monde.
– Ces mots « liberté » et « paix » qui revêtent beaucoup d’importance encore aujourd’hui quand on voit ce qui se passe actuellement à BAGDAD, HEBRON et ailleurs.
Auguste Delaune incarne cette génération de militants qui ont su ouvrir la voie dans des conditions difficiles et inédites pour les peuples, celles des grands changements consécutifs à la révolution russe en 1917, au front populaire, à la lutte contre le fascisme et l’occupation allemande. Ils ont su ouvrir la voie pour que le sport travailliste, le sport fondé sur l’inspiration et les besoins des travailleurs à vivre mieux, à vivre maîtres de leur destin, libres et en paix, se développent.
Revenons sur l’époque qui va de 1908, année de la naissance d’Auguste à 1943, année de sa mort tragique à trente cinq ans, à l’hôpital du Mans mais aussi mort glorieuse sous les coups du fascisme hitlérien. Cette époque qui a édifié les fondations de toute l’existence du sport ouvrier d’abord, puis du sport fondé sur l’intérêt collectif du monde du travail.
C’est donc le 26 septembre 1908 qu’est né Auguste DELAUNE à GRAVILLE – SAINTE HONORINE près du HAVRE. Dès l’âge de 12 ans, il est membre de la F.S.T. (la Fédération Sportive du Travail) où il pratique plusieurs sports puis peu à peu, se dirige vers le cross et l’athlétisme. Contraint de venir habiter ST DENIS en région parisienne en 1926, il devient à 18 ans dirigeant de club puis dirigeant régional, tout en continuant à pratiquer sérieusement le cross avec de nombreuses victoires à son actif.
C’était l’époque où les sportifs ouvriers devaient eux-mêmes aménager leurs terrains, sans matériel ni vestiaires et quelquefois, s’opposer à la police pour maintenir des compétitions interdites. En effet, sous l’impulsion du très réactionnaire André TARDIEU, chef de gouvernement, l’année 1929 fut une année de répression contre les organisations ouvrières. Pendant cette période, Auguste DELAUNE écrivait :
« En 1929, le challenge Jean TREMEL est interdit. Nous avions décidé de le faire courir quand-même. La police nous attendait dans le quartier de la Mutualité mais nous avons fait courir l’épreuve dans toutes les rues de ST DENIS. En 1931, TARDIEU nous pourchassait toujours, tout était mis en œuvre pour nous détruire. Avec plusieurs camarades, nous sommes arrêtés et condamnés. Je récolte un an de prison, au droit commun, ramené à 6 mois en appel. »
Dans sa cellule, Auguste DELAUNE a beaucoup réfléchi sur la situation du mouvement sportif en France. TARDIEU l’avait emprisonné, l’avait privé de liberté mais avait surtout renforcé les convictions d’un combattant.
Auguste DELAUNE savait qu’une scission dans le mouvement sportif après 14/18 avait fait apparaître l’USSGT. Lui, dirigeait la FST. Les 2 fédérations se réclamaient de la classe ouvrière et cherchait à recruter dans le même milieu. Cette division était un affaiblissement du monde sportif. Convaincu que la réconciliation était nécessaire et possible, que l’union constituerait une force dynamique pour tous les sportifs qui avaient de sérieuses revendications à faire triompher, Auguste DELAUNE travailla inlassablement à la réunification du mouvement sportif populaire.
Cette orientation aboutira à la fusion des 2 fédérations qui lors d’un congrès en décembre 1934 donnait naissance à la FSGT. En 1935, Auguste DELAUNE en devint le 1er secrétaire général.Une puissante volonté d’union traverse notre pays alors que chez le voisin allemand, la division des travailleurs a été un facteur déterminant dans l’arrivée d’HITLER au pouvoir. Dans ce grand combat pour sauver les libertés, Auguste DELAUNE est à l’avant-garde. La FSGT bénéficie des bienfaits de cette union et les effectifs passèrent de 30 000 à 130 000 membres.En 1936, dans le gouvernement du FRONT POPULAIRE, il y eut enfin un sous-secrétaire d’Etat aux sports et loisirs : Léo LAGRANGE qui connaissait très bien l’activité d’Auguste DELAUNE en matière de sport. Il lui demanda de prendre place au CONSEIL SUPERIEUR de l’EDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE. Une telle responsabilité permit au nouveau promu d’utiliser toutes ses connaissances, sa compétence au service des sportifs dans le plus grand désintéressement financier. On assista alors à un développement considérable de toutes les activités physiques, sportives et de pleine nature. Et ce n’est pas le travail qui manquait. Sur 38365 communes en France, 35490 ne possédait aucun stade, aucun terrain de sport. On comptait seulement 43 piscines dont le but principal était d’obtenir des résultats financiers. Dans les écoles, pas de terrains de jeux et aucune salle de culture physique.
Devant de telles constatations, le programme sportif proposé par Auguste DELAUNE, au nom de la FSGT précisait :
« Si l’on veut avoir une jeunesse saine et forte, il faut débuter par l’organisation des activités physiques et sportives obligatoires dans les écoles. Préparer le mécanisme humain est à la base de tout et il faut exiger le contrôle médical. Pour appliquer cette 1ère mesure, il faut obtenir la formation de professeurs et de moniteurs suffisants pour cet enseignement. Les sportifs quant à eux doivent avoir à leur disposition des salles de gymnastique, des terrains, des stades, des plaines de jeux et des piscines.
Le grand sportif Auguste DELAUNE fut l’animateur de ces changements dans le sport, luttant avec ses camarades afin d’assurer la défense et le développement de l’ensemble du sport français. Les excellents résultats obtenus lui valurent la médaille d’or de l’Education Physique. Ce grand dirigeant sportif avait bien compris que le sport pouvait créer des relations renforçant l’amitié entre les peuples. Il devint membre de la commission tripartite pour l’unité sportive ouvrière internationale. Il ne ménagea pas son temps pour se rendre dans différents pays, y discuter cet aspect du sport et organiser des échanges de sportifs dans divers compétitions, ce qui se fait aujourd’hui au sein de la FSGT.
Auguste DELAUNE va jusqu’à la guerre, être le porte-parole de la tendance prônant l’ouverture dans la FSGT vers les plus larges couches de la population, vers le mouvement sportif bourgeois. En cela, il était un dirigeant qui avait une vision juste de ce que devait être la fédération des travailleurs sportifs en France.
Dès la déclaration de la guerre, il est mobilisé dans le NORD où de gigantesques batailles se déroulent en 1940. Nos forces armées reculaient ou se faisaient encercler par la grande offensive menée par HITLER dans notre pays et les soldats et officiers qui eurent la chance de ne pas être massacrés ou faits prisonniers s’enfuirent par bateau en ANGLETERRE. Ce fut le cas pour Auguste DELAUNE.
Mais rapidement, il demande à rentrer en France pour continuer à se battre et est présent au moment d’un violent bombardement en gare de RENNES. Un train de réfugiés flambe et Auguste DELAUNE, aidé de 2 de ses camarades, les seuls qui soient encore présents, organise l’évacuation. Il sauve plusieurs dizaines de personnes et son héroïque exploit est raconté dans la presse. Auguste DELAUNE est décoré de la Croix de Guerre et reçoit la Médaille Militaire.
Le 31 août 1940, il est démobilisé mais il ne peut rester insensible au sort de son pays occupé par l’envahisseur allemand. Il rejoint la RESISTANCE et la vie illégale commence pour lui. Le 6 décembre de la même année, il est arrêté par des policiers français et se retrouve prisonnier. On retrouvera Auguste DELAUNE interné successivement au camp d’AINCOURT, à la centrale de POISSY et au camp de CHATEAUBRIANT. Dans ces geôles, il fut toujours le défenseur des droits des détenus, réclamant une meilleure alimentation, le droit de lire ou de recevoir des visites. En organisant la culture physique pour les emprisonnés, il avait le souci de se maintenir en forme pour être en mesure de s’évader afin de rejoindre les patriotes clandestins dans leur dur combat contre l’ennemi. Il savait aussi que rester dans ce camp à CHATEAUBRIANT lui vaudrait la mort car il serait fusillé par les allemands dans un prochain groupe d’otages, comme le furent les 27 communistes le 22 octobre 1941.Aidé de l’extérieur du camp, avec une minutieuse préparation, Auguste DELAUNE réussit son évasion le 21 novembre 1941 en compagnie de 2 de ses camarades.
C’est alors la vie dans la clandestinité qui commence. Il fonde le journal « SPORT LIBRE » et devient un des principaux animateurs de la RESISTANCE dans l’OUEST de la France.
Auguste DELAUNE a donc été victime d’un guet-apens sous ce pont le 27 juillet 1943. Il fût transporté à l’hôpital du Mans puis remis à la Gestapo et devait s’éteindre le 12 septembre 1943 des suites de ces blessures.
Malgré les tortures qu’il a dû subir, nous sommes certains qu’il n’a jamais parlé, qu’il n’a jamais trahi sa patrie. En effet, il y a dix ans, lorsque nous avions réalisé une exposition sur sa vie avec Yves RENEVOT, nous avons pu récupérer son acte de décès aux archives de l’hôpital et on peut y lire que « ce 12 septembre 1943, est décédé Auguste DELAUNE ou Paul BONIFACE » son nom de résistance « paraissant âgé de 32 ans, sans autres renseignements ».
Le mérite de DELAUNE, l’exemple valeureux de sa conduite héroïque lui ont valu la citation à l’ordre de la NATION que voici :
« Auguste DELAUNE, secrétaire général de la FSGT, athlète de valeur, dirigeant hors pair, s’est consacré pendant 22 années au développement du sport français dans les milieux du travail et dont la vie, toute de sacrifice, et la mort glorieuse, resteront un exemple pour la jeunesse française ».
Auguste DELAUNE a aussi été fait CHEVALIER de la LEGION d’HONNEUR à titre posthume et désormais, dans toute la France, des stades, des salles de sports, des rues même, portent son nom, perpétuant l’exemple de ce grand dirigeant, ce pur patriote que fut Auguste DELAUNE.
En commémorant le souvenir d’Auguste Delaune, nous voulons mettre en valeur la signification permanente des luttes et du combat menés pour la démocratisation des activités physiques et sportives, pour un sport reposant sur des valeurs humaines et progressistes.
Aujourd’hui, soixante ans après cette époque, les conditions de notre combat ont bien changé. Face au pouvoir de l’argent qui pourrit de plus en plus le sport en général, il nous faut innover et trouver des voies nouvelles correspondant aux besoins d’aujourd’hui ; comme l’ont fait à leur époque Delaune et ses camarades.
S’il était encore parmi nous, nous sommes certains qu’il se reconnaîtrait dans notre action quotidienne car c’était un homme ouvert sur la vie qui savait varier sa représentation du sport populaire et de la société en fonction des changements intervenus.
En continuant ce combat là et en luttant pour la paix dans le monde, en développant des initiatives de solidarité avec les sportifs discriminés, en aidant les plus démunis à aspirer malgré tout aux activités physiques et sportives, nous sommes convaincus de rendre le meilleur hommage possible à Auguste DELAUNE et c’est à tout cela que le comité FSGT SARTHE s’attache aujourd’hui.
Les moyens existent puisqu’en 2003, la FSGT est représentée dans 70 départements représentant 220 000 licenciés répartis dans 4100 clubs. Dans notre département, nous dépassons les 1000 adhérents en comptant ceux qui sont affiliés dans l’ORNE. Les sports développés sont le VELO sous toutes ces formes (courses-VTT-cyclotourisme. La preuve vient d’en être apportée par tous ceux qui ont effectué aujourd’hui les 35 et 70 Km), la course à pied (le sport préféré d’Auguste DELAUNE), le badminton, la plongée, le foot à 7 autoarbitré et les Activités Physiques pour Adultes.
Ainsi se termine cet hommage à Auguste DELAUNE.
Malgré nos difficultés quotidiennes, il ne faut jamais, jamais oublier que si nous sommes libres actuellement, c’est grâce aux sacrifices de milliers d’hommes et de femmes qui ont combattu le fascisme et le racisme pendant cette terrible période de guerre.
Merci.
Gérard PAQUIER
Président du Comité Sarthe FSGT
Comme chaque année, le Comité du souvenir du pont Coëffort-Châteaubriant appelle les Manceaux à rendre hommage à Auguste Delaune et Jean Fresnel, résistants FTP, abattus le 27 juillet 1943. Le samedi 18 octobre, une randonnée cycliste, organisée par la FSGT, dont Auguste Delaune fut le fondateur, partira du stade Auguste-Delaune à Arnage (Sarthe) pour se terminer au pont Coëffort où se déroulera la cérémonie du souvenir. Le lendemain, toujours à l’initiative du comité, un car se rendra à Châteaubriant, à la Carrière des fusillés.
Yves Renévot
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