Extrait du « Magasin Pittoresque – 1906 » (Gallica)
Les applications domestiques de l’électricité
Le temps n’est pas très éloigné où la badauderie parisienne s’émerveillait de quelques timides essais d’éclairage électrique tentés à grand renfort de piles, essais qui n’obtinrent du reste qu’un succès d’estime et ne fournirent aucun résultat pratique. Depuis, l’électricité a conquis le monde : elle trône en maîtresse dans l’industrie, elle égaie de sa note éclatante toutes les fêtes foraines et toutes les grandes manifestations nationales et elle répand à flots la lumière jusque dans les moindres cités. Après s’être créé une large place dans la vie publique, voici qu’elle s’introduit dans notre domicile où elle est en passe de supplanter tous les modes de chauffage et d’éclairage, même les plus nouveaux et les plus perfectionnés.
Nous avons, en effet, le tapis électrique qui dégage une telle chaleur qu’elle roussit les chaussures des imprudents qui la préfèrent à la moelleuse peau de mouton. Depuis peu on rencontre des poêles électriques constitués par de longues et énormes ampoules à incandescence qui donnent à la fois une bienfaisante chaleur et une vive lumière, presque aussi agréable que celle qui émane de notre antique cheminée de bois. Ce mode de chauffage est destiné à se généraliser rapidement dès l’abaissement du prix de l’électricité, parce qu’il ne vicie pas l’atmosphère des locaux où il est employé, ne dégage aucune odeur désagréable et ne laisse ni résidus ni poussières. Dans la nursery comme dans la chambre du malade le chauffe-lait et la bouilloire électrique sont devenus une nécessité, et le coussin électrique y menace le vieux sac à eau chaude. Nous avons également le fer à friser, l’allume-cigares qui sont chauffés par l’électricité.
Le fer à repasser est un des premiers instruments de l’outillage domestique auquel on ait appliqué le chauffage électrique, dispensant ainsi ménagères, blanchisseuses, ouvriers tailleurs, etc. de l’intoxication dangereuse que provoquent les anciens réchauds alimentés par le charbon ou par le gaz.
Une des dernières applications de l’électricité, dit le Scientific American, est celle qui a été faite au séchoir à cheveux. On connaît les accidents, dont quelques uns ont été mortels, qui ont été occasionnés par l’ancien système de séchage. Ces accidents ne sont plus à redouter avec le nouveau séchoir qui est une combinaison du pouvoir calorique et de la force motrice de l’électricité. Cet appareil comprend un ventilateur et un chauffoir. Cet appareil, lorsqu’il est bien utilisé, peut être appliqué à traiter douze personnes en moins d’une heure ; sa consommation d’électricité est minime, c’est le grand succès des salons de coiffure de New York.
La cuisine, elle-même, offre un excellent champ d’activité pour les appareils électriques ; déjà nombre d’appareils ont été inventés et l’on peut prévoir que, dans un avenir peu éloigné, de nombreux établissements adopteront ce nouveau système, sans compter les applications plus modestes qu’en feront nos ménagères. Son principal avantage, c’est que la cuisinière dispose à l’instant précis d’une chaleur considérable : un commutateur à tourner et immédiatement le rôti est entrain. Ce résultat est très apprécié, car ; outre la rapidité d’exécution, il supprime la consommation de combustible qui est toujours nécessaire pour donner à un foyer le degré de chaleur utile, au point de vue culinaire. Ainsi que le fait remarquer l’auteur précité, le fourneau électrique est supérieur même au fourneau à gaz, son plus proche et plus redoutable compétiteur, parce qu’il n’exige pas le contact d’une flamme pour être mis en état d’activité, il a en outre l’avantage de ne répandre aucune mauvaise odeur. Il existe un petit grill électrique assez grand pour cuire une tranche de viande de grosseur moyenne ; ce gril n’exige qu’une faible dépense d’électricité, moins de quinze centimes d’après le prix de l’hectowatt au tarif américain.
D’après la même source, le restaurant à cuisine électrique est le meilleur exemple que l’on puisse donner des applications de l’électricité à la cuisson des aliments ; suivant une coutume chère aux Anglo-Saxons, ces inventeurs du grill-room, la cuisine est placer au centre de la salle de restaurant, aucune cloison ne la sépare des consommateurs ; ceux-ci peuvent ainsi surveiller la préparation des plats, et le cuisinier peut se tenir en constant rapport avec le maître d’hôtel ou le patron. Pour les consommateurs, aucune crainte de fumée ; ni la suie ni les cendres ne peuvent se répandre dans les aliments, puisque l’électricité appliquée au chauffage ne produit aucun résidu. Quant aux odeurs de cuisine, on a trouvé le moyen de les éliminer en disposant, juste au-dessus du fourneau, un large ventilateur. Dans cette installation un poulet est rôti en un quart d’heure et une côtelette d’agneau est grillée en trois minutes Outre la rapidité de cuisson, ce mode de chauffage présente encore l’avantage de conserver à la viande tout son jus ; il est vrai que les clients habituels de ces restaurants américains sont, comme nos voisins d’Outre-Manche, très amateurs de viandes saignantes. Pour satisfaire notre goût moins carnassier, il nous faudrait des viandes plus cuites et, par suite, la rapidité de cuisson que l’on fait ressortir serait moins appréciable.
Toutes ces ingénieuses dispositions n’ont été faites, jusqu’à présent, qu’en vue d’établissements publics ; pour notre home on n’a rien fait, ou peu de chose. L’outillage existe mais il ne semble pas avoir été ordonné en vue d’une installation complète et pratique pouvant être totalement substituée au fourneau à charbon ou à gaz. Une cuisine bien aménagée doit comprendre un ventilateur fixé à la muraille afin de conduire à l’extérieur l’air chaud et l’odeur de la cuisson ; elle doit aussi comporter un rafraîchissoir, afin d’éviter l’introduction de la glace dans la maison.
Les hôtels et tous les établissements où la cuisine tient une large place ont utilisé l’électricité pour un emploi moins important que celui de la cuisson des mets ; et ils y ont trouvé une économie résultant de la suppression de certains aides. Plus de plongeurs, plus d’officiers : ils sont remplacés par le moteur électrique. Ici nous trouvons un laveur de vaisselle automatique. Les assiettes sont empilées dans un panier en treillis métallique et plongées ainsi dans un bassin d’eau bouillante qu’un moteur électrique agite rapidement. Cette opération est renouvelée trois fois et les assiettes bien nettoyées sont séchées par un ventilateur ; le nettoyage de toute une desserte est terminé en quelques minutes. Par ce procédé il y a quelque chance de ne plus trouver trace des doigts graisseux du plongeur sur le marli des assiettes. Les couteaux sont également nettoyés et polis automatiquement ; ils passent d’abord entre deux roues en buffle chargées du nettoyage, puis ils sont affûtés sur une roue en émeri. Enfin, l’aide de cuisine lui-même, cet ignoble individu aux vêtements crasseux et aux mains sales est dépossédé d’une importante partie de ses attributions, celle de l’épluchage des légumes. Il est remplacé par des appareils électriques qui exécutent, plus proprement qu’il ne le pourrait faire, le tranchage des choux, l’épluchage des pommes de terre, etc. N’y aurait-il que cet avantage : la propreté dans les restaurants, il faudrait souhaiter la suppression des anciennes cuisines et leur remplacement par l’installation vraiment moderne où toutes les manipulations sont effectuées par l’électricité.
Albert REYNER
Adhérent-CGMA-Sylvie-R-152
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